Dans un contexte où la prospection devient de plus en plus difficile et les cycles de vente s'allongent, l'alignement entre les équipes marketing et commerciales n'est plus un luxe, mais une nécessité.
Pourtant, cette collaboration reste trop souvent idéalisée dans les discours et mal appliquée sur le terrain.
Pour mieux comprendre cette dynamique, nous avons invité Paul Lemonnier, CMO et CRO sur le podcast PROSPECT by Cognism. Il y partage des insights et des conseils pratiques issus de ses expériences.
Voici un tour d'horizon complet pour comprendre les causes de ce décalage, pourquoi il est crucial d'y remédier, et comment parvenir à travailler main dans la main, concrètement. 🤝
Sur le papier, le marketing et les sales ont tout intérêt à travailler dans la même direction.
Selon une étude de LinkedIn, 87% des professionnels marketing et commerciaux estiment que la collaboration entre les deux fonctions permet de générer une croissance significative, mais seuls 17% considèrent que leurs équipes sont bien alignées.
Comment expliquer ces disparités ?
Selon Paul Lemonnier, l’un des principaux obstacles à l’alignement vient du cloisonnement des équipes :
« Il y a encore trop d’entreprises où les sales ne comprennent pas ce que fait le marketing, et vice versa. Chacun travaille de son côté avec ses propres indicateurs. »
Le marketing est souvent jugé sur le volume de leads générés (MQL), tandis que les commerciaux sont mesurés sur le chiffre d'affaires. Résultat : le marketing va chercher à générer le plus de leads possible — parfois au détriment de la qualité, alors que les sales veulent des leads ultra-qualifiés, qui sont réellement prêts à acheter.
Lorsque les équipes sont évaluées sur des métriques qui ne convergent pas, personne ne se sent responsable du résultat final (la croissance ou le chiffre d’affaires), ce qui peut entraîner une culture du blâme.
Le marketing parle souvent de notoriété, engagement, MQL, taux de clic, impressions, campagnes multicanal, etc. Les commerciaux, eux, raisonnent en SQL, pipeline, closing, objections, signaux d’achat, forecast, revenu généré, etc.
Une même réalité (ex : un lead qui télécharge un livre blanc) peut être perçue différemment en fonction de l’équipe :
En outre, chacun évolue avec son stack d'outils.
Le Marketing utilise : HubSpot, Marketo, Google Analytics, LinkedIn Ads, Webflow, etc.
Les Sales utilisent : Salesforce, Salesloft, Pipedrive, Outreach, des outils de CRM, de cold call, etc.
Et ces outils ne communiquent pas toujours bien entre eux, ce qui peut créer des données incohérentes, des doublons ou pertes d’info et une absence de traçabilité du parcours prospect.
En France, 73 % des équipes marketing B2B comptent moins de 3 personnes. Difficile dans ce contexte de proposer un accompagnement sur mesure aux commerciaux.
Les budgets marketing sont souvent compressés, considérés comme “non essentiels” ou “coûts”.
Marketing et vente évoluent dans des temporalités différentes, avec des projets dans la durée pour les premiers (construction de notoriété, génération de leads sur 3 à 6 mois, nurturing, SEO…) et des actions instantanées et précises dans le temps pour les seconds (call, rendez-vous, signature à la fin du trimestre).
Le travail du marketeur est plus invisible, celui du sales exposé : deal signé, objectif atteint.
Tous ces décalages ont des conséquences sur la collaboration des équipes :
Les conséquences de ces discordances peuvent être lourdes pour le revenu, la clientèle et l’ensemble de l’entreprise.
L’alignement marketing / vente est vital car il touche directement la croissance, la rentabilité, l’expérience client et la culture interne.
Paul Lemonnier le résume bien :
"Quand les sales se sentent écoutés et équipés, ils performent mieux et restent plus longtemps."
L’alignement entre marketing et sales, bien que difficile à mettre en place, vaut la peine !
Voici quelques conseils de professionnels que nous avons interrogés pour rapprocher les équipes. 🔑
La base de toute collaboration : parler le même langage. Qu’est-ce qu’un MQL ? Un SQL ? Un bon lead ? Trop d’équipes avancent avec des définitions implicites ou différentes, ce qui alimente les malentendus.
➡️ Co-construisez un SLA (Service Level Agreement) qui fixe noir sur blanc les définitions, les critères de scoring, les délais de traitement, les objectifs croisés.
💬 Paul Lemonnier :
« Il y a trop de friction sur des choses basiques, comme ce qu’on appelle un lead qualifié. Il faut fixer ces bases ensemble, sinon on parle dans le vide. »
L’alignement ne se décrète pas : il se construit dans la durée, par le biais de rituels communs. Planifiez des points hebdo, revues de campagne, débriefs de leads, sessions d’écoute des appels ou d’analyse des objections.
💬 Jacob Sulim, Head of Sales SME chez Pennylane, invité à un panel organisé par Cognism :
« On pousse les équipes marketing à s’asseoir à côté des SDR et à écouter les calls, à s'asseoir. Ça leur permet d’échanger et de s'inspirer de ce que disent nos sales. »
➡️ Objectif : fluidifier la circulation d’informations et renforcer l’empathie inter-équipes.
Il ne peut y avoir d’alignement sans transparence et accès aux données. Construisez des dashboards accessibles aux deux équipes, mélangeant KPIs marketing (leads générés, coût par lead…) et commerciaux (pipeline généré, taux de closing…).
💬 Mehdi Belghali Benjelloun, AE chez Aircall, invité sur Prospect (ep. 21) :
« Pour qu’un sales soit performant, il faut qu’il ait une compréhension claire du marché et du produit. Et ça, ça passe par une transmission d’informations fluide avec le marketing. »
➡️ Centralisez les insights dans le CRM, connectez les outils pour tracer le parcours du lead jusqu’au closing.
Un bon alignement repose sur une cible claire, partagée et comprise de tous. Cela passe par la définition conjointe de l’ICP (Ideal Customer Profile), des personas, du positionnement et des messages clés. Mais ce travail n’est pas figé.
💬 Sébastien Daune (ex-CRO chez Flatchr) :
« Le positionnement, les ICP, les personas… ce ne sont pas des choses qu'on définit une fois pour toutes. Il faut les remettre sur la table régulièrement. Parce qu’un sales qui n’est pas formé à ça, il va tester des choses en call, il va faire ses propres itérations, mais ça peut devenir dangereux si ce n’est pas cadré par une stratégie produit/marketing. »
➡️ Revoir ensemble ces éléments tous les trimestres ou à chaque évolution produit/marché permet de rester alignés sur la réalité business, et d’éviter les divergences de discours qui nuisent à la performance.
Les contenus commerciaux (emails, séquences, cas clients, scripts) ne doivent pas être imposés par le marketing, ni improvisés par les sales. La bonne formule : cocréation.
💬 Paul Lemonnier :
« Les sales ont les mots du terrain, ils savent ce qui résonne. Il faut les embarquer dans la production de contenu. »
Mettez en place des ateliers croisés : le marketing explique ses campagnes, ses objectifs, son ciblage ; les commerciaux partagent les questions fréquentes, les objections, les attentes concrètes.
➡️ Cela crée une intelligence collective, fait émerger des insights et renforce la pertinence des actions de chaque côté.
💬 Antoine Le Sage, Head of Sales chez Payplug, également invité au panel de Cognism :
« Quand on débriefe à deux un deal gagné ou perdu, chacun comprend mieux son rôle dans le succès (ou l’échec). »
L’alignement entre le marketing et la vente n’est pas un objectif ponctuel, mais un processus continu, vivant, à réactiver régulièrement. Il ne s’agit pas seulement de mieux s’entendre, mais de mieux performer, ensemble.
Dans un environnement B2B où la concurrence est rude, les budgets sous tension, et les acheteurs sursollicités, une collaboration fluide entre marketing et commerciaux devient un facteur différenciant majeur.
Comme le dit si bien Paul Lemonnier dans l’épisode de PROSPECT :
« Un marketing qui alimente vraiment la vente, et des commerciaux qui remontent leurs insights, c’est ça qui crée du revenu prévisible. »
Ce travail collectif repose sur des bases solides : des définitions partagées, des objectifs communs, des rituels de communication, une co-construction des outils, et surtout… une volonté sincère de mieux se comprendre.
Car derrière chaque friction, il y a souvent une occasion manquée de créer plus de valeur.
En créant les conditions de cet alignement, vous ne faites pas que fluidifier les process. Vous cultivez une culture de la performance durable, centrée sur le client et portée par l’intelligence collective. Et ça, c’est un avantage que vos concurrents auront bien du mal à copier.
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